Prière de Jouhandeau

Il y a quelques décennies,  dans l’émission littéraire « Apostrophes », Marcel Jouhandeau avait récité une prière qu’il avait écrite pour son enterrement. Cette prière m’avait paru extrêmement belle. Il mourut peu après.

Parfois, éprouvant le besoin de prier, bien que doutant quelque peu de l’existence de Dieu, je marmonnais les prières officielles sans enthousiasme. Aussi je me lançais : « Dieu du ciel et de la terre, toi qui a créé toutes ces merveilles, aide les hommes si perdus, si insuffisants, si…, et moi en particulier afin que je puisse te rendre gloire et vivre en plénitude. Dieu du ciel et de la terre… » Je m’interrompais : le début me convenait mais la suite s’égarait dans des considérations insignifiantes, étroites, terre à terre.

Comment émouvoir le créateur du monde ? Je repensais à cette prière de Jouhandeau. Tantôt je feuilletais ses ouvrages, tantôt je lançais des recherches sur Internet : « prière Jouhandeau »  «  aucun résultat ne correspond à votre requête. »

Fin 2015, une émission proposa des extraits de différents numéros d’Apostrophes en présence de son créateur Bernard Pivot. Il commentait les extraits qu’il découvrait au fur et à mesure. Tout à coup, Jouhandeau apparut et murmura sa prière :

« Âme de Jésus-Christ sanctifiez moi,

Corps de Jésus-Christ, sauvez-moi,

Sang de Jésus-Christ enivrez-moi,

Eau du côté de Jésus-Christ, lavez –moi

Cachez- moi dans vos blessures afin que,

dans l’éternité, je puisse vous aimer avec vos Saints. »

En fait, je fus déçue, le souvenir vague que j’en gardais était plus fort. Cependant, j’étais émue par cette confrontation après tant d’années. Ma déception découlait-elle d’un rapport plus distant à Dieu ? Je ne pratique plus, le péché originel n’est que billevesée et les malheurs déferlent en un déluge permanent. Comment croire à la puissance du père quand son fils n’est que fragilité ? Comment cautériser ses plaies et non les agrandir ? Comment trier les Saints du calendrier ? L’éternité ? Oui, l’éternité retrouvée, celle qui fraye avec la mer et le soleil pour compenser la vie trop momentanée, trop chiche.

J’espère que le moment venu, mon ange gardien pourra m’introduire et m’indiquer comment me comporter ou du moins qu’il m’enverra une invitation. J’ai senti une ou deux fois sa présence et ses interventions m’ont, je crois, épargné de graves accidents. Est-il aussi mélancolique que ceux des « Ailes du Désir » de Wenders ? Je le voudrais, sinon rigolard, du moins souriant.

Âme de mon ange gardien rassure moi

Sourire de mon ange gardien réchauffe moi

Mon bel ange, protège moi, console moi

Aide moi ici et pour les siècles des siècles

 

Fasse qu’un journaliste sorte mes livres

De l’effroyable silence de la guivre

Que leur musique se délivre, s’enivre

Et chevauche les ondes tels des oracles

Amen

Photo d’une photo de Rauzier

Exposition Gare d’Austerlitz 2016