Vie d’écrivain

Écrire, publier, vendre sont les trois étapes qui conduisent à la rencontre entre un livre et un lecteur. Une petite maison d’éditions ne peut que se distribuer elle-même, ce qui signifie, en gros, qu’elle équipe l’écrivain d’un bâton de pèlerin, d’une valise de VRP , d’une liste de Salons du livre ou autres manifestations et vogue la galère !

J’ai écrit plusieurs nouvelles amusantes ou caustiques ou… (Relire dans ce blogue « Le Salon et l’oiseau »). Néanmoins, je vais vous relater le dernier Salon qui se déroula par un beau dimanche ensoleillé. Salon situé à 150 km de petites routes mal balisées, accueil des auteurs à 9 h : lever 5 h ½.

Parvenue devant la salle polyvalente, l’auteure (toute ressemblance risque d’être exacte) constate qu’elle est particulièrement mal placée. Sachez que les visiteurs tournent, majoritairement, à droite en entrant parce qu’ils sont droitiers. Si donc, vous êtes à l’opposé, ils arriveront à votre stand épuisés et ruinés. Vous aurez beau vous démener, votre sort ou plutôt celui de vos livres est scellé. Peu importe qu’ils  soient bien écrits, les couvertures réalisées à partir d’œuvres d’artistes, à des prix plus que raisonnables. Sachez aussi que la plupart des acheteurs sont des femmes, que la plupart des femmes achètent à des auteurs de sexe mâle, consciemment ou non.

À noter que si vous êtes placé à droite de l’entrée, les visiteurs vous diront : qu’ils arrivent juste et qu’ils vont d’abord faire un tour. Ce qui semble raisonnable, sauf que les écrivains sont gens voraces et redoutables, vous ne les reverrez jamais (enfin rarement).

Si vous êtes au milieu, vous aurez peut-être droit aux commentaires que j’ai  relatés dans mes nouvelles. En vrac  : j’ai plein de livres à lirej’ai  tellement de livres à la maison que je ne sais plus où les mettre – je n’ai pas le temps de lire –  je n’ai pas mes lunettes – je ne sais pas lire – ma femme (ou mon mari) est là-bas, c’est elle (ou lui) qui a le chéquier – j’emprunte mes livres à la bibliothèque – je prends mes livres dans les boîtes à livres – vos livres sont en librairie ? – je n’utilise que ma tablette – je pirate internet – je ne me rappelle pas vous avoir vu à la télévision, ni entendu à la radio – Avez-vous eu le prix Goncourt ?

Dimanche dernier, il y avait soixante et onze écrivains et peu de visiteurs. La première personne qui m’aborda était un exposant, voyant que j’avais consacré un livre à l’œuvre de Léo Ferré, il a sorti les habituels griefs (injustes et débiles) contre lui. J’ai l’habitude : « nous sommes maudits Léo, pas grave. » Du reste, le mari d’une exposante acheta « Vienne le temps… »

Donc, peu de visiteurs le matin, un repas froid trop cher, mais le stand était gratuit (ce n’est pas toujours le cas), cet après-midi peut-être… Hélas non, trois ventes à l’arrachée, à la tchatche.

En fin de journée, une charmante dame qui participait à l’organisation du Salon m’a dit être intéressée par deux de mes livres, sa fille (j’ignorais alors que c’était sa fille) en choisissait un autre. Je pouvais donc espérer trois ventes supplémentaires. Or, elles changèrent d’avis, peut-être parce qu’elles avaient gagné des livres à la tombola avec une demi bouteille de vin rouge dont je tairai le nom, car si le vin n’est pas mauvais, il ne faut pas faire le Salon du livre de cette ville.

Rutebeuf, Villon, Verlaine, Rimbaud, Baudelaire…, frères écrivains consolez-moi !

Aussitôt Léo chantonna « Ce sont de drôles de type qui vivent de leur plume/ Ou qui ne vivent pas c’est selon la saison…/… Leur âme est en carafe sous les ponts de la Seine/Leurs sous dans les bouquins qu’ils n’ont jamais vendus… »

Photo CB