La Fée informatique

Dans un article, je regrettais que les initiations présentes dans les romans de Chevalerie conduisant le héros de conseil en défi vers son destin n’aient plus cours.

Or, je viens de rencontrer une initiatrice. Mon ordinateur s’était bloqué inopinément. Sur l’écran apparut un numéro de téléphone. J’appelai et appris que des pirates informatiques avaient pénétré mon ordinateur qui fut bloqué pour le protéger. Elle était en mesure d’enlever tous les virus de sa baguette magique reconvertie en sabre de lumière, il me suffisait d’ouvrir la porte de mon ordinateur.

De fait, je vis une flèche qui circulait vivement sur mon écran allant deçà delà, m’indiquant de la voix tel danger, tel piège. La bonne Fée précisait que le samedi après-midi, les banques étant fermées, était propice à ces redoutables attaques. Sa voix était réconfortante. Elle me demandait d’actionner telle ou telle touche faisant preuve d’une grande patience devant ma maladresse crispée. En bruit de fond, j’entendais d’autres fées dépannant d’autres malheureuses victimes.

Quand elle me demanda pour le long travail de nettoyage que l’un de ses servants accomplirait mon numéro de carte de crédit, sa date d’expiration et les trois chiffres au verso, j’hésitai. Je lui demandai si elle ne faisait pas partie des méchants. Elle me répondit, benoîtement, que si elle avait été un pirate, il lui suffisait de prendre ces éléments et bien d’autres sur mon ordinateur puisque elle s’y promenait depuis un bon moment. Je lui proposais un paiement par PayPal, elle me le déconseilla sans insister particulièrement. J’hésitai de nouveau puis j’obtempérai. Je ne devais pas utiliser mon ordinateur pendant trois heures, le temps de tout assainir. Elle implanta un antivirus et m’envoya une facture pour la somme rondelette demandée, augmentée du fait que j’avais aussi un ordinateur portable à traiter également.

Oui fidèle Lecteur, tu as compris que la fée était une sorcière de la plus vile espèce malgré sa voix douce et chaude. Le logiciel est disponible gratuitement et il est plus que probable que l’horrible mégère a siphonné des informations et placé des espions dans tous mes fichiers.

J’ai porté plainte aux autorités sensées protéger la population des attaques cybernétiques (« Cythère bernique » disait Prévert) et à la banque philanthrope s’il en est qui m’a donné un dossier à remplir… Dommage que le prélèvement ne soit pas que virtuel.

Néanmoins, je ne puis nier qu’il y a eu initiation. J’ai assimilé combien nous sommes vulnérables derrière un écran capricieux, qu’une voix patiente, agréable, ayant réponse à toutes les objections peut obtenir tout ce qu’elle veut. Il me semble qu’une partie de moi était consciente de l’arnaque… La solitude des ondes rejoint « La solitude des mots ».

Sans doute est-ce une bonne leçon, néanmoins j’espère que ce texte évitera à d’autres une telle mésaventure.