Messages

Lassée de ne pas recevoir de réponses à ses divers messages quelle que soit la forme retenue, elle décida de correspondre exclusivement avec deux êtres qui lui étaient chers et qui, malheureusement, avaient quitté ce monde.

Généralement, elle optait pour les SMS qui présentent l’avantage de ne pas déranger excessivement leurs destinataires puisque brefs et consultables à tout moment.

Dans le cas bien particulier de ces deux élus, ruser s’imposait pour que l’étrangeté de sa démarche ne soit pas repérée par le fournisseur d’accès. Donc, recourir à un numéro commençant par 06 suivis de 8 chiffres, en espérant qu’il ne correspondrait pas à un numéro attribué. Elle envoya un premier message banal et bref : ni blocage ni réaction. Elle pouvait poursuivre.

Elle avait commencé le premier jour de l’été. Dans le message adressé à M., elle souligna la belle lumière de la journée, l’une des plus longues. M. réagissait volontiers aux variations du temps et aux saisons. Elle ajouta que ce point presque culminant ne durerait pas. M. n’aurait pas manqué de le souligner : le négatif talonnant le positif en toutes circonstances. Avec H., elle évoqua la Fête de la musique, sachant l’importance des arts du spectacle dans sa vie : se réjouir, savourer, partager.

Chaque fois qu’une émotion ou une idée pouvant les concerner survenaient, elle intervenait, soit une à deux fois par jour, pour ne pas pas les importuner. Ces messages apaisaient sa solitude, voire son sentiment d’abandon. Une dizaine de jours s’écoulèrent ainsi.

Puis, un soir, elle reçut une réponse de M. Les yeux écarquillés, elle lut : « Ce n’est pas la bonne solution. »

Elle n’osa pas remettre le portable dans sa poche, elle le déposa avec circonspection sur son bureau. L’éteindre ? Mais H. allait-il à son tour se manifester ?