Mon horloge biologique est facétieuse. Elle s’est enclenchée dès ma conception à Cahors en pays d’Olt, pays de roc et de vent craquant de soleil. Elle n’a retenu de ma naissance à Paris que la déclaration d’une fée qui œuvrait à la maternité : « Elle a des mains d’artistes. » Toute ma vie tendra vers la réalisation de cette prédiction imprudente.
Mon horloge s’attarde à des grappes de secondes, escamotant des décennies… Au mieux, je puis affirmer que je suis née au XXe siècle et que je mourrai au XXIe. De prime abord, cet espace-temps peut paraître jouable. En fait, il est notoirement insuffisant pour se rassasier de l’univers et pour écrire.
Le nom de ma mère sonne comme les noms du Quercy qui évoquent la terre. Celui de mon père vient du Gaulois bronia – poitrine. Dès le XIVe siècle, les broignes désignent les parties renforcées des armures. Brogniart nomme celui qui les fabrique ou les porte.
Mes grands-parents et mes parents étaient de modestes travailleurs. Deux de mes arrière grands-parents maternels sont décédés de mort violente. La psychanalyse transgénérationnelle affirme que c’est la quatrième génération qui subit le poids des secrets et des drames. Ma gravité en découle-t-elle ? Le remède : leur apporter un apaisement. Que puis-je faire ? Écrire sur eux ? C’est fait, une nouvelle.
J’ai suivi des études techniques, gravissant les échelons un à un avec obstination, puis des études littéraires. Je fais partie du petit pourcentage -qui demeure stable- d’enfants d’ouvriers ayant réussi à l’Université. J’ai donc connu le phénomène d’acculturation, comme quelques autres qui surent en tirer profit… J’ai eu honte de mon milieu, mais les nantis auto-satisfaits qui n’ont qu’à paraître pour occuper les postes clefs ou être (au hasard) édités, exposés, primés, éliminant tout les autres, maltraitant la littérature et plus généralement les arts, je les bavouse !
Fondamentalement, je prends le parti des humbles. (Bien que détestant leurs intérieurs, leurs émissions de télé, leurs radios, la danse du canard, les cotillons…) L’injustice m’est insupportable tant pour autrui que pour moi-même. Je sculpte ma révolte au tranchant des mots, tout en apprivoisant la vie au contact des animaux, de la nature et même, des hommes, quand ils sont humains, voire chaleureux.
J’ai fréquenté des poètes, des peintres, des musiciens avec bonheur. La culture, prétendument élitiste, je m’en suis emparée. Elle m’aide à vivre, je la transmets.
À ce jour, j’ai publié quatre livres de nouvelles, des recueils de poèmes, un essai et des articles sur l’œuvre de Léo Ferré, des textes sur la peinture, cinq romans et participé à la réalisation de nombreux livres d’artistes.
Des mots comme une ouverture…