Le Salon et l’oiseau

Le dernier Salon du livre de la saison se tenait dans un immense hangar qui servait à toutes sortes de manifestations : sport, brocante, produits régionaux, marché de Noël… Et donc, cette fois, il s’agissait de bouquins.

Ce vaste espace bétonné exhibait son squelette fait de poutrelles métalliques soutenant des plaques ondulées en fibrociment. Il faisait froid et triste. Les rares visiteurs  venaient, pour la plupart, saluer un  organisateur ou un ami exposant. Les autres jetaient un regard circulaire et  ne s’attardaient pas.

Je peaufinais la présentation de mes  ouvrages : ajustant les piles, disposant quelques documents : coupures de presse, signets…, cherchant à attirer l’attention. De temps à autre, j’esquissais quelques sourires dans le vide ou j’émettais quelques bruits gutturaux, envisageant l’éternuement ou la toux… Les autres exposants dubitatifs m’observaient : je renonçais.

J’avais rédigé tout mon courrier négligé depuis plusieurs semaines, j’avais terminé une nouvelle qui devait être longue mais tourna court. J’avais limé mes ongles, taillé mes crayons, mouché mon stylo. Je ne savais plus comment m’occuper. J’étais morose.

C’est alors que mon regard fut attiré par un mouvement presque au-dessus de moi. Sous le toit  du bâtiment, entre deux arceaux, un oiseau s’activait. Il construisait un nid. Son bec tissait des brindilles, ses pattes les ajustaient. D’un petit coup de tête, il jaugea son travail avant de s’envoler par une plaque cassée.

Peu de temps après, il revint par le même chemin avec une paille qu’il positionna délicatement avant de repartir en quête d’autres matériaux : un morceau de ficelle, un crin, de la mousse… Il s’affairait, indifférent aux va-et-vient des auteurs en contre bas : ces drôles d’oiseaux plantés au sol, au milieu de cubes en papier comme autant de  nids étranges où des mots pépiaient dans l’espoir de se faire entendre.

À la fin du Salon, le sien était prêt, parfait quoique composite. Les petits pouvaient venir, ils seraient en sécurité, à l’abri des intempéries.

Je remballais mes ouvrages.

Finalement, je ne m’étais guère ennuyée.

 « Ricochets » – Nouvelles

D’après L’oiseau (p 101)