de Noël au Nouvel An
Les fêtes de Noël étaient terminées. Le père Noël avait cogné à la porte mais elle était coincée. Il avait poursuivi sa route. Au fil des siècles son enthousiasme s’est engourdi et puis il est devenu gros, vieux, rouge.
Les jours qui suivirent se firent discrets. Ils savent que tout le monde attend la suite : ce minuit symbolique qui assurera le passage en nouvelle année. Une année qu’on espère meilleure que la précédente, elle-même devait être meilleure que celle d’avant et celle d’avant… mais ça ne marche pas toujours, alors on opte pour « bonne ». Les audacieux ajoutent « heureuse ».
En attendant, des foules hébétées achetaient des victuailles et des cadeaux pour les grands. Qui croit au Père Noël, qui croit à l’An Nouveau ? « Bonne année, bonne santé » et tous d’ajouter « l’important c’est la santé ». Les gosses rigolent… Que l’on y croit ou pas mieux vaut être en règle, en accord avec un vieux fond de superstitions qui se loge dans nos chaussettes et dans nos cœurs. Si l’on ne marmonne pas ces mots magiques comme un mantra, ne risque-t-on pas le pire ?
Au village, on a accroché des guirlandes qui clignotent de façon saccadée, s’éteignent puis se rallument ou pas. Quelques étoiles en strass se balancent au vent. Des Pères Noëls, en rappel, pendent aux fenêtres ou sur des toits : essoufflés, erratiques, à moitié dégonflés pour ceux qui sont en baudruche ou pris de vertige pour les autres. Des bûches ont été coupées en biseaux et leurs faces plates ornées de trognes de pères noëls aux nez rouges en relief, à moins qu’il s’agisse de lutins… Chacun a sa propre expression. Elles ont été plantées à l’entrée du village côté mairie. Celles qui entourent les marches de l’édifice ont quelques ressemblances avec les élus : clin d’ œil, hasard, projection ?
À Noël, les cloches ont carillonné sans retenue : « il est né… il est né… il est né… » Pour récupérer, elles contrôlent leur battant assurant un service minimum.
Depuis la première Croisade, les cloches des églises sonnent l’angélus le matin, le midi et le soir. On rapporte que Saint-François revenant d’Orient s’est inspiré de l’appel à la prière des Musulmans pour imposer cet usage.
L’angélus commence par une triple répétition de trois tintements assez solennels suivis d’une pleine volée rapide et joyeuse pendant près de deux minutes, après quoi les sons s’espacent avec un léger écho pour retourner au silence.
Le son des cloches du village est particulièrement allègre. Le matin, j’évite de faire du bruit pour m’imprégner de leur rythme.
Or hier, seule la triple répétition des premiers tintements a retenti. J’ai pensé que l’humidité de ces derniers jours en était responsable. Les carillonneurs ont été remplacés pas un mécanisme qui anime les cloches. Parfois, ce ne sont plus que des enregistrements. Dans les deux cas, l’électricité est nécessaire.
Cette nuit, j’ai entendu dans mon oreille droite, la joyeuse volée des cloches. Aussi je soupçonne cette oreille de s’être emparée de l’angélus. Comment vont réagir les gens du village et… les anges ?
J’envisage de monter au clocher la nuit de la Saint Sylvestre pour suspendre mon oreille à la grosse cloche afin qu’elle sonne l’angélus de minuit : « bonne année, bonne année, bonne année. »
31 décembre 2016
1 Comments
arbouge janvier 02, 2017 - 09:54
Meilleurs vœux Colette, pour 2017. Merci pour ton texte d’une écriture personnelle géniale car elle offre une lecture poétique du conte, qui gagne en humour tout en sortant de la vieillerie des contes, et qui correspond parfaitement au rattrapage tellement nécessaire et indispensable du retard culturel. Une telle création du conte construit la révolution immatérielle tant nécessaire et indispensable pour continuer à construire la monde en gagnant en égalité pour gagner en liberté, à tout âge de la vie, révolte d’art, et donc à la fois ferréen et brélien, et Georges Brassens aurait adoré.
Bonne année ! Guy