Entretien

Colette Brogniart sort son septième roman. Prochains Salons : Figeac, Montpellier. Lectures en médiathèques. Vidéo en cours.

Propos recueillis par Serge Solignac

Le titre de ce nouveau roman surprend : il semble paradoxal, qu’en est-il ?

Qu’un titre étonne est une bonne chose… Certes les mots ne prennent sens qu’assemblés et s’ils demeurent solitaires… Notre époque les malmène de toutes les manières possibles. Dans ce roman, les artistes sont confrontés à leurs arts dans une indifférence grandissante : la solitude des mots et, tout autant, celle des notes, des formes, des êtres.

La couverture offre un assemblage : une partition, des couleurs, des signes…

Elle a été choisie comme une synthèse des arts qui sont présents dans l’ouvrage : l’écriture, la peinture, les collages et la musique. C’est une technique mixte de Roseline Chartrain. Elle a déjà collaboré à deux autres couvertures pour les romans La faille et Pas de deux.

Le musicien, Georges, est-il un personnage réel ?

J’ai croisé  un musicien connu, reconnu et oublié. J’ai pensé à lui en introduisant ce personnage. J’espère que les propos que je lui prête pour rendre hommage à la musique lui conviendraient. Il y a également de nombreuses références à mon Maître qui était musicien et poète.

Les autres personnages ont-ils un ancrage similaire ?

Deux sont en partie réels : Ariane l’écrivain et Romain le collagiste. Du reste, les dialogues rapportés émanent de leurs échanges épistolaires et les collages décrits existent, par contre les autres personnages sont fictifs.

Comment ce septième roman est-il né ?

J’étais très prise par des émissions de radio dont j’étais responsable et que j’animais, ainsi que par les textes que je rédige chaque quinzaine pour mon blog, sur des sujets variés, en recourant à tous les genres littéraires et illustrés de photos. Pour me détendre, j’ai commencé un livre que je voulais léger, un vague projet de polar, genre que je n’apprécie guère : une sorte de défi. Puis, les personnages ont pris corps peu à peu. Par ailleurs, je vivais des évènements familiaux douloureux et perturbants qui apparaissent en fond. Le livre s’est construit comme une sorte de coquillage se recouvrant de sédiments divers, mais l’ensemble a une cohérence et  s’inscrit dans notre époque, d’où la décision de le publier.

Chaque personnage a une façon très particulière de vivre et de s’exprimer.

Oui, néanmoins ils communiquent véritablement parce qu’ils sont solitaires : c’est une question de survie. Qu’ils soient jeunes ou âgés, ils préfèrent les liens réels aux réseaux qui renvoient à un isolement redoutable.

Vous ne semblez pas beaucoup apprécier les réseaux.

Je crois qu’ils nous détruisent de l’intérieur et qu’ils dénient les arts et les artistes. C’est un système tentaculaire où l’on achève de se perdre.

Les livres et les arts seraient les remèdes ?

Je le pense. Par les œuvres, on échange au profond et les résurgences se diffusent. Les artistes s’épuisent en créant, mais leurs créations produisent la beauté,  aident à vivre et pour certains à survivre.

Avez-vous de nouveaux projets ?

Pour le moment, je cherche des solutions pour percer les plafonds et les parois de verre qui réduisent au silence nombre d’artistes, par exemple quand ils sont en région, quand il s’agit de femmes, de personnes… disons matures et lorsque les œuvres  ne sont pas des produits. Un bon livre, sans les commerciaux qui gravitent autour, aura autant de difficulté pour parvenir aux lecteurs que le meilleur des crus d’un petit viticulteur-récoltant pour nous régaler !

La solitude des mots – Roman – 275 p – 16 €