Le Triangle
Saisir les oreilles du triangle, les plier, les coller.
Toutes les formes ne sont pas aussi maniables. Le triangle constitue un abri très protecteur, mais moyennement confortable. Une forme à toucher avec prudence, une forme à briquer avec précautions car les heures s’accrochent aux angles du triangle, implacablement.
L’ovale est beaucoup plus douillet mais moins stable, l’ovale renvoie à trop de choses simples quoique complexes : l’œuf en particulier et l’œuf à la poule… C’est une forme dangereuse philosophiquement, moins que le cercle bien évidemment.
Pour ne pas être écrasé pas la perfection du cercle, il faut jouer sur sa rotondité. Si on dit « c’est un rond », le cercle perd de sa superbe, le rond devient vite rondelet, rondouillard.
Et ron et ron petit patapon. Un patapon patapouf le réduit -si l’on peut dire- à n’être plus qu’un gros ballon, voire une baudruche.
Le carré est un rond qui a des coins. Une forme parfaite qui a des coins et même des recoins cesse de l’être. Il n’empêche qu’un carré est très carré : éviter de discuter avec lui.
Le losange, je préfère l’ignorer, il tient de l’ovale mais un ovale cabossé, mal venu. De plus, il entraîne à sa suite tous les gones, hexa, poly et compagnie : la mafia des formes. Parler d’eux ne serait que bavardages.
Pour en revenir au triangle, les lignes de ma main dessinent un triangle très pointu comme l’oreille d’un chat. Je feuillette ma main, faisant défiler formes et profils.
Le profil dans le gras de mon pouce lève son verre dans ma direction. Nous trinquons. Le chat en profite pour filer par la chatière. Un rayon de lumière le croise, un rayon qui s’évase pour caresser le monde et ses objets.
Aléas – p 154
Repris en Livre d’artiste 3 ex. – Gravures R. Chartrain
1 Comments
Agatheb2k juillet 11, 2019 - 11:48
Il était, en plus de ses variantes géométriques, soit d’or, soit des Bermudes… mais il peut aussi être dramatique s’il est de Karpman, bref, une littérature infinie qui nous éloigne de l’incisif Cicéron c’est Poincaré.
Merci pour le lien vers l’émission sur l’immense Léo Ferré (que je n’ai vu qu’une seule fois sur la scène de l’Olympia lors de l’hommage au pianiste Paul Castanier) dans le billet de janvier 2015, sa poésie n’a pas pris une ride et la censure le rend plus fort encore 😉