Relecture

Je viens de relire l’un de mes romans « Pas de deux » écrit voici presqu’une décennie. C’est un laps de temps qui transforme l’auteur en lecteur. Trois surprises m’attendaient.

La première : le roman contient une mise en garde prémonitoire de l’envahissement des portables et des réseaux. La deuxième : l’ouvrage  est plein de rebondissements, un vrai roman ! La troisième : hélas, présence de nombreuses « coquilles ». Terme dont l’origine est justement explicitée dans ce livre et qui désigne toutes les erreurs possibles sur des pages imprimées. Oublis : un pluriel, un mot, un espace…, graphies disparates : guillemets différents, tirets ou cadratins de longueurs diverses dans un même dialogue, apostrophes droites ou courbes…, et des fautes ! Comment est-ce possible ? Je l’ai relu des dizaines de fois, y associant deux autres personnes.

Je cherche des explications (non des excuses). Je vivais une période difficile (comme souvent, seules les causes diffèrent). Déménagement, foulure du poignet, ordinateur définitivement hors d’usage, donc changement de matériel, de logiciel… Soit, mais l’oubli du « s » dans un pluriel banal ne peut s’expliquer ainsi.

Par crainte de perdre mes données, je multiplie les sauvegardes, faisant des va-et-vient du disque dur vers une clef ou plusieurs clefs et n’étant pas très méthodique… Par ailleurs, j’ai compris, tardivement, (je ne suis pas une virtuose de l’informatique) que les modifications n’interviennent que sur le support actif. Supposons que j’ai cliqué en dernier sur la clef et que le lendemain je reparte du disque dur, je n’utilise pas les toutes dernières corrections, or si je sauvegarde le disque dur sur la clef, les corrections de la veille sont écrasées. C’est la version moderne de la tapisserie de Pénélope. Ceci pourrait expliquer bien des erreurs.

Cependant, je ne puis évacuer l’idée que l’ordinateur m’est hostile, lui et ses comparses : le correcteur d’orthographe (un vrai despote pas toujours éclairé), les conversions de langages informatiques pour s’adapter aux logiciels des imprimeurs, les grouillots de tout poil qui gravitent dans ce milieu.

Il faut des années pour écrire un livre, mais lorsqu’il est sous presse, on est dans l’urgence. Une couverture à rectifier entraîne une transformation de format détruisant la mise en page initiale. Là se tiennent en embuscade : PDF, RTF, XML…, et j’en passe. PDF (Portable Document Format) a pour fonction de préserver la forme. Pourtant, le nombre de pages fut modifié et des ponctuations rejetées à la ligne ! Or, impossible d’intervenir sur un PDF sans acquérir  le logiciel : coût disproportionné pour une utilisation occasionnelle, là encore va-et-vient entre l’original et la copie, d’où nouveaux risques.

– Et l’Éditeur dans tout ça ? Me direz-vous.

– Ça dépend. Mais le plus souvent, il s’occupe de la Com (si vous êtes connu) et ce, à partir d’un « objet finalisé » : le bouquin clefs en main. Chut ! Je ne peux me fâcher avec lui. Revenons donc en arrière.

Des logiciels espions se sont infiltrés dans mon ordi pour épier mes recherches et vendre mon profil aux marchands. Parmi eux, j’en ai repéré un, dénommé « Plag & fals » (abréviations de plagiats et falsifications) qui escamote mes plus belles métaphores et introduit des scories à qui mieux mieux.

Impossible de le supprimer. À défaut, j’enquête sur les financements occultes qui agissent en sous-main. La liste est impressionnante : directeurs littéraires malveillants, auteurs concurrents, lecteurs déroutés, quelques membres de ma famille, quelques ennemis et quelques amis et…

Là, c’est trop, c’est à peine croyable, alors… je préfère me taire.