Lettre à « mes » non-lecteurs absolus
Dans mon blogue 1ère saison intitulé « à suivre… », j’adressais une lettre « Au lecteur idéal », dans ce blogue 2e saison, je me dois d’écrire à une autre catégorie : à « mes » non-lecteurs absolus. Ne vous y trompez pas, c’est un cercle très restreint car il faut remplir des conditions drastiques pour mériter cette estampille.
Sont exclus d’office ceux qui ne lisent jamais ou uniquement des brochures techniques ou des revues.
Conditions requises :
1- Lire régulièrement : achats ou emprunts.
2- Se targuer d’être cultivé, avoir une forte propension à étaler ses connaissances.
3- Il faut m’avoir rencontrée (voyages, activités sportives ou citoyennes) et savoir que je suis l’auteur d’une bonne douzaine de livres.
4- Il est également nécessaire de m’avoir vue derrière mon stand soit lors d’un Salon littéraire, soit en plein air, soit pendant des dédicaces en librairie et, évidemment, il est indispensable de n’avoir rien acheté, pas même le livre à 10 € (prix d’un petit livre de poche).
Face à ces personnes, je fus surprise, puis peinée, puis perplexe. Une enquête s’imposait.
Première catégorie : ceux qui ont des préjugés : « Comment un auteur qui n’a pas reçu de grands prix littéraires pourrait m’intéresser ! » (J’en ai reçu trois, modestes mais de qualité.) (Un petit éditeur ne peut concourir.) « Comment un auteur que je fréquente dans mon quotidien et qui vit en rase campagne, si loin de Paris, pourrait-il être valable ? »
Deuxième : ceux qui auraient voulu écrire ou qui ont écrit sans résultat tangible ; envieux, jaloux, mesquins, ils se vengent.
Troisième : ceux qui me détestent pour une quelconque raison et veulent me faire ravaler mes mots dans le gosier (de fait, j’évoque trop mes bouquins). On pardonne aux parents ou grands-parents de parler de leur progéniture : c’est légitime, humain, touchant, mais l’écrivain ou tout autre artiste qui nous gonflent avec leurs œuvres qui s’croient peut-être, qui s’la jouent, qui friment… Qu’ils se taisent !
Après être passée de la surprise à la stupeur, j’ai atteint un nouveau stade. Je repère l’individu en question, je vérifie qu’il remplit les conditions sine qua non et je l’observe, pariant avec moi-même. Va-t-il confirmer son attitude ? Va-t-il y renoncer par curiosité ? Céder par pitié ? Hypothèse déplaisante que je contrerais en proposant un livre d’artiste, compromettant le plasticien ayant fauté avec moi.
Mais si, tranquillement, après avoir jeté un regard sur mes ouvrages, m’avoir parlé, il s’éloigne, alors je jubile ! Ce non-lecteur absolu est supérieur à l’hypocrite lecteur de Baudelaire et j’attends avec impatience la prochaine rencontre. Si, par inadvertance, il se décidait à acquérir un livre, je prétendrais que tous sont réservés.
De la stupéfaction à la jubilation…
5 Comments
David novembre 22, 2019 - 09:53
Avec un peu d’aquoibonisme, je dirais que le clou ne peut s’enfoncer plus que sa longueur… ou plus que l’épaisseur de la matière dans laquelle il veut pénétrer…
arbouge novembre 22, 2019 - 09:52
Excellentes déductions. Néanmoins, il faut enfoncer le clou, peut-être qu’une maison en résultera.
Claire novembre 21, 2019 - 15:04
Savoureux et, hélas, très juste. Cependant, il faudrait ajouter pour expliquer ces comportements : l’incuriosité, le refus de prendre le moindre risque et l’impossibilité à se faire mousser en société car en dehors des chemins battus l’ignorance s’étend. Claire
jeanluc nieto novembre 04, 2019 - 09:02
AHAH !que c’est engageant tout cela. tu es une écrivaine de combat !
R. Chim novembre 03, 2019 - 09:53
Bravo ! De surcroît la photo, poing sur la hanche et nez en l’air pour renifler ces irréductibles, est en phase avec le propos.