Le trousseau

La clef de l’église rallia d’autres clefs tintinnabulantes : celles du paradis, celle des songes, celle des champs, des étoiles, les clefs de sol, fa, ut, ainsi que la clef des charmes et celle de Barbe bleue… Des voix amicales introduisirent : la clef de voûte, la clef du mystère, la clef sous le paillasson…

À noter le pluriel évocateur de celles du paradis esquissant une image de l’Éden : une clef par nuage, par étoile, pour chaque saint. Donne-t-on un double à tout nouveau venu ? Peut-on choisir son passe ? J’opte pour l’orthographe du mot clef avec un F : une forme crochetée apte à l’effraction.

Freud nous a caché que celle des songes remonte au second siècle avant Jésus-Christ brandie par Artémidore d’Éphèse qui interpréta 3 000 rêves.

La clef des observatoires hérissés de télescopes espions force les étoiles.

La clef de voûte assemble et consolide l’ensemble ; à l’opposé des autres, elle demeure figée offrant  son meilleur profil.

À la campagne, la clef sous le paillasson  se cache sous le pot de fleurs. Ma propre clef saute de mes poches à mon sac ou inversement pour me narguer puis réapparaît en toute innocence.

Dans La solitude des mots, j’évoque les tracés élégants et les effets percutants des clefs musicales.

La clef des champs gorgée d’espace, de senteurs délicieuses et de liberté caracole dans les blés ponctués de coquelicots et de bleuets où jeunes femmes et enfants courent et rient, robes et chapeaux de paille au vent. Monet sourit de notre émoi.

La clef des charmes relève de l’extrapolation érotique, entrouvrant la porte interdite de Barbe bleue : conte des plus inquiétants pour les petites filles, j’en frémis dans Pas de Deux !

La clef du mystère se métamorphose dans le noir et le silence de minuit pour se grimer de mots qui me ravissent de terreur.