Lettre à Léo Ferré

Un site consacré au poète propose de lui écrire « bien qu’il ne puisse répondre »

 Cher Léo,

Pour ma part, j’entends ta condamnation du dictateur du moment comme tu avais dénoncé Franco, Pinochet, Videla et d’autres… Et je crois qu’une réponse émanant du ciel ou émergeant de l’enfer me parviendra, car les mots et les notes t’attirent comme des aimants. Du reste, de temps à autre, tu m’adresses des messages. Comme cette photo envoyée par Marie : malgré mes yeux fermés, je t’écoutais et je t’écoute.

Dans la nouvelle Coïncidences, je relate ces signes. Depuis cette parution, tu as organisé une rencontre avec Marie en Quercy, pays qui nous unissait déjà. Elle me proposa, ainsi que ton fils Mathieu d’éditer ma maîtrise : première étude universitaire sur ton œuvre.  Il fut ajouté le texte dont tu m’avais confié la rédaction sur Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, Apollinaire, Aragon pour le coffret « Les Poètes » et tu m’as soufflé le titre afin de réunir ces deux essais : « Vienne le temps… », vers extrait de Franco la Muerte. « Vienne le temps des poésies/qui te videront de ton lit/Quand les couteaux feront leur nid/au cœur de ta dernière nuit ». La poésie contre les dictateurs et les despotes : une poésie incisive annoncée dès Le Temps des roses rouges, l’un de tes premiers textes « Mon couteau s’en ira faire de la poésie »

Pour prolonger ton œuvre, tu m’as suggéré quelques conférences dans les lieux mêmes où tu avais chanté : Le Théâtre du Chêne Noir à Avignon, l’Alhambra à Marseille. J’ai replongé dans ton univers alors que je pensais cette page tournée depuis que je me consacrais à mes propres ouvrages que tu appréciais : « Tu écris comme une alouette pleine de tête et de sourire… » Comparaison fort positive puisque dans ton bestiaire, les oiseaux occupent la première place, symbolisant les poètes par leur chant et l’envol malgré leur fragilité. Messagère de l’aube, l’alouette ne craint que le miroir. De fait…

J’ai enchaîné les conférences, jamais les mêmes pour rendre compte de toute cette richesse. J’alternais analyse, lecture de textes et  chansons agrémentées de diaporamas ou en compagnie de comparses : « Conférences chantées » Mathieu Bourgasser et Nano – (Arnaud Méthivier) — à l’accordéon.

Le public repartait exalté par tes mots et ta musique.

J’attends donc ta réponse, tes conseils pour ma prochaine publication  et ton rire, car tu riais beaucoup.

Je t’embrasse.

Colette