Recettes de lecture

Si l’écrivain est astreint à une obligation de résultat, le lecteur n’est pas exempt de toute contrainte.

Ainsi, pour lire de la Poésie, sachez vous imposer silence afin d’entrer dans ce monde d’où surgissent musique et images insolites au cœur d’un espace libéré de la syntaxe et de la ponctuation.

En présence de Nouvelles, la concentration s’impose en raison de la brièveté du voyage et de la chute finale forcément surprenante, voire contrariante : il convient d’accepter le jeu et son enjeu.

En ce qui concerne les Essais : se munir d’un crayon à papier et ne pas hésiter à souligner, entourer, commenter et plus si affinités.

Quant aux Romans, la situation s’avère complexe, tant l’appellation regroupe tout et n’importe quoi, mais rejetons le n’importe quoi.

Quelques conseils : évitez de lire la quatrième de couverture, de même les citations en exergue confisquées sans l’accord des auteurs, destinées à s’attirer les bonnes grâces des muses et généralement sans lien avec l’ouvrage. Bien entendu, sauter la préface ou lisez-là seulement à la fin, si une postface existe, jouez-les à pile ou face. Négligez les remerciements souvent opportunistes. Les seuls qui vaillent reviennent aux lecteurs — mes semblables, mes sœurs, mes fraternités sincères.

Lisez le livre de plain-pied : il a été écrit pour vous, il vous attend, vous espère. Pénétrez dans ses méandres, parcourez-les en confiance, en évitant de n’en retenir que ce que vous auriez pu écrire, car tout est essentiel en son sein. En quelques heures, vous allez traverser un univers qui nécessita des années pour s’édifier, pour être jaugé, jugé et édité : reflets de moments de vie, parfois de toute une vie !

Avancez en vous guidant sur le souffle de l’auteur et les battements de son âme. N’hésitez pas à pleurer ou à rire, accueillez le livre pour qu’il vive en vous dans ces quelques heures que vous lui consacrerez et, si possible au-delà, afin que l’existence monacale de l’écrivain ne soit pas complètement absurde.