Destinée

Une voyante m’avait prédit que je connaîtrais le bonheur une fois la jeunesse enfuie. Chaque nouvelle décennie, j’espérais. Je misais sur la cinquantaine. De fait, je me considérais comme moins malheureuse. J’accueillis la délivrance des 60 ans et l’abolition du travail avec euphorie, là encore je percevais les prémices de la félicité.

Cette fois, à cent ans, je crois que je tiens le bon bout,  je vois enfin la fin du tunnel. Je pense à  Cent ans de solitude,  un merveilleux roman que je n’ai pas écrit, mais lu : depuis des papillons jaunes m’accompagnent. Je redoute de le relire et d’être moins transportée, comme je crains de revivre ma vie. Comment envisager, raisonnablement,  de la vivre autrement ? Je suppose que j’ai fait de mon mieux. Comment éviter les rencontres fâcheuses, fuir les métiers éprouvants et peu gratifiants ? Qui sait si des circonstances pires n’adviendraient pas ? Meilleures ? Peut-être.

« Le bonheur, c’est un chagrin qui se repose. » disait un poète.

Le bonheur, c’est du non malheur et c’est déjà ambitieux.

« Le bonheur des uns fait le malheur des autres. » dit un proverbe.

Cependant le malheur des autres ne fait pas le bonheur…

Moralité : ne croyez pas les proverbes, ni les poètes, ni les voyantes, ni les centenaires, ni les écrivains, ni les ni.