Confidences
Voulant faire viril,
il n’a l’air que méchant
voire un peu débile
On n’a pas forcément
la mine que l’on croit
Ainsi un mort ne rit
pas tant que ça, narquois
il ne montre les dents
qu’au destin qu’au néant.
Enfant, les manières et les mots me troublaient. Un jeu d’après repas consistait à dire ce que l’on aimait chez telle ou telle personne présente. Afin de témoigner de mon amour pour ma mère, je révélais, faute de vocabulaire, un pauvre secret : éclats de rires et confusion de ma mère. Être un enfant n’est pas facile.
Ainsi, petite citadine de cinq ans, je découvris la campagne : odeurs, sonorités, couleurs, mœurs. Je m’en imprégnais avec avidité. Dans la poche ventrale de mon tablier rose, j’entreposai des mûres qui s’écrasèrent et celles que j’avais avalées firent également des dégâts. Tant d’étrangetés me sollicitaient : l’odeur du chaud, l’odeur du savon, celle de la serviette séchée au soleil, du figuier, de la boule bleue pour le linge, un bleu intense, le velouté des fleurs hautes comme moi et trois pommes. Et, stupeur ! les vaches donnaient du lait, en l’agitant il montait en beurre. Les papillons grésillaient sur le verre de la lampe, des bourdons ronds ronronnaient pendant que je décalottais de petites madeleines pour les fourrer de lampées de confiture de groseille avant de les recoiffer et de les avaler. Quel délice aussi d’enfoncer les mains dans le sac plein de boutons : glissements frais que je devinais chatoyants.
Et l’adolescence… Dans une vaste maison, lorsque j’ouvrais les volets, mes yeux plongeaient dans un paysage qui me parcourait de frissons et de sourires. Parfois, d’intenses désirs m’immobilisaient, j’ignorais comment les apaiser : lassés, honteux, ils disparurent.
Quand, enfin, j’aimais, je voulus prouver à la confidente de mon amour combien j’étais digne de ce noble sentiment. Hélas, la fin tourna au fiasco honteux. Je ne revis jamais l’intermédiaire et un jour funeste, mon bel amour m’oublia sur un trottoir, un 10 mai, avant celui chargé de noir et rouge.
Tant de maladresses, tant de regrets, si peu de bons et beaux souvenirs sans ombre les entachant. Pourtant, ma jeunesse ne fut pas éclaboussée comme tant d’autres, même si deux cousins et un oncle se comportèrent indignement, en paroles pour l’un, en pressions déplacées pour les deux autres. J’excusais les jeunots, mais reniais le tonton et boycottais ses obsèques.
Voulant échapper à ma destinée, j’accédais à un monde rouge et or : j’ai franchi des obstacles, renversé des montagnes, mais l’instant T qu’il faut chopper au chignon se terra dans les basques du sort sadique.
Bref, j’ai essayé, pas suffisamment ou mal. Je possède quelques talents, peu le savent et qui se soucie des vivants de leur vivant, quant à l’après… Seuls quelques disciples besogneux tentent des coups, traficotent rimes et souvenirs.
Ô renaître ! Tout recommencer
autrement, pour la joie, le plaisir,
le bonheur, ni remords ni regrets
afin de… tranquillement mourir
2 Comments
Arco septembre 23, 2024 - 07:49
Hélas, hélas, même les vies les plus réussies finissent mal et la question : cela en valait-il la peine ? taraude les plus lucides. Alors on invente des échappatoires, si on le peut…
Pierre Sol septembre 23, 2024 - 07:45
Solidaire, je compatis.