La vie trépidante d’une autrice casanière
En 2019, l’un de mes ouvrages m’attendait en ville en cartons de 12 livres. Une vague de froid verglaçait la chaussée. Néanmoins, je m’élançai. Pour revenir avec mon précieux chargement, je pris la route du haut moins pentue dans l’espoir de passer. Hélas, une petite grimpette me projeta sur le bas-côté. Un paquet sous chaque bras, je parcourus péniblement les derniers kilomètres.
Il y a quelques jours, la tempête soufflait : plus d’électricité, plus de réseau. Une livreuse m’avait donné rendez-vous place de la mairie. À l’heure prévue, je sautai dans ma voiture et gagnai le village pour recevoir contre mon cœur l’exemplaire de mon nouveau roman : 2 dés & l’éternité – sorti depuis une semaine. Aussitôt, je repartis en sens inverse pour stopper net devant un énorme chêne abattu qui barrait la route de toute sa majesté, câble du téléphone et fibre pris dans ses ramures. Après avoir glissé le livre sous mon vêtement afin de l’abriter de la pluie, j’abandonnai mon véhicule, me courbai pour passer sous le tronc et achevai le chemin à pied.
À quelques minutes près, l’arbre aurait pu m’écraser sans que j’aie vu mon œuvre, ou au retour après l’avoir juste feuilletée ! Je souhaitais informer mon éditrice de sa réception, mais toutes les communications étaient coupées.
Je songeais à une autre mésaventure, là encore en prenant possession d’un ouvrage. Sachez qu’avoir entre les mains un livre sur lequel vous avez travaillé plusieurs années est émouvant, sans compter la bataille dantesque pour le faire éditer ; on découvre sa couleur exacte, son poids, son odeur. (Le dernier sent la pâte à crêpe.) Au croisement d’une route déserte, des gendarmes suspicieux et menaçants m’arrêtèrent (ma plaque d’immatriculation ne correspondait pas à la région). Dépités par les pneus en bon état, ils constatèrent, ravis, un léger retard (involontaire) pour le contrôle technique. Verbalisation instantanée, ordre de prendre rendez-vous au plus vite et de venir avec le sésame à la gendarmerie dont ils dépendaient, bien évidemment éloignée.
J’ai créé quinze livres, les désagréments s’élèvent à 20 %. Le verglas, les vents et les gendarmes me sont contraires, mais les dieux, ceux qui aiment lire, me soutiennent. Qu’ils en soient remerciés.