Un père Noël famélique

Le père Noël est maigreux cette année. Je l’observe dans les marchés de Noël où je présente mes livres avec obstination et abnégation. Avachi sous sa houppelande défraîchie, des baskets usagées à la place des bottes (plus pratique pour crapahuter sur les toits) il attend et s’ennuie.

L’après-midi, devenu gigantesque, il arpente les allées à vive allure, un visage juvénile au-dessus d’une barbe effilochée. La rumeur prétend qu’il s’agirait d’un fils illégitime conçu entre deux cheminées.

Le lendemain, de nouveau menu, il soutient son ventre d’une main comme font les femmes enceintes, ce qui me met la puce à l’oreille : au-dessus deux seins ! Une mère Noël, la parité progresserait-elle ? « Non, c’est juste qu’il y a pénurie de P.N.  et aussi une grosse déprime du côté de la Laponie : plus de lettres, des SMS ou des courriels vite effacés, polluant même les neiges arctiques. »

Alma se cache derrière ses frères pour ne pas être juchée sur les cuisses du P. N. du jour : un affreux bonhomme qui papouille les enfants et leur donne des chocolats à moitié fondus sous les flashs. Comment s’y retrouver ? D’habitude, il ne faut pas suivre un inconnu ni accepter ses bonbons poisseux. Du coup, quelques gosses sensés hurlent lorsque les mères les larguent sur sa bedaine. Ébranlé, le père Noël se réfugie dans les jupes d’une femme vendant de la guimauve. (photo jointe)

Depuis quelques années avec ma bande de lutins, je tendais des pièges au gros rougeaud, mais confrontés à cette silhouette trop piètre, presque pitoyable, nous envisageons  de lancer une collecte pour le requinquer. Notre juste combat ciblera uniquement Monsieur Jourdelan : un multimillionnaire complotiste qui nous annoncera une excellente année…