Disgrâces
Je suis très sensible aux voix, je perçois certaines comme désagréables et je capte les fausses notes dans une interprétation musicale. Je considère ceci comme une qualité.
Par contre, je déplore mes réactions négatives face aux visages disgracieux. (Je n’ignore pas que mon nez n’est pas droit, disons même de travers.) Certaines figures affichent une laideur globale, d’autres se contentent d’en saboter une partie : un nez, une bouche, des yeux, un menton, un front (?), les oreilles. Elisabeth Von Arnim écrit qu’un menton fuyant est rédhibitoire. Elle notait que les hommes pouvaient y remédier grâce à leurs pilosités, hélas pas les femmes. J’en ai justement croisé une, récemment qui, de plus, fit preuve d’ignorance et de bêtise. Pourtant cette partie du visage ne semble pas décisive, en outre un menton proéminent défigure…
Certains se contentent d’exhiber des verrues plus ou moins en relief, plus ou moins poilues. Pourquoi ne pas recourir à une intervention ? Pour ma part, je n’ai rien contre les oreilles décollées : on voit dans l’adulte le gamin de jadis. Par contre, ceux qui tentent de les dissimuler sous leurs cheveux révèlent ainsi un conflit ridicule : soit on les fait rectifier, soit on les assume par une coupe bien dégagée.
Je tolère la laideur des corps, je plains les gens obèses, bancroches, bossus… Bien que ma silhouette n’attire pas la critique, j’ai toujours entretenu des complexes à son égard.
Bien entendu, je sais que seule la beauté intérieure est essentielle. Du reste, j’éprouve de la tendresse pour Quasimodo, Éléphant man, Génie bleu et quelques autres.
NB – Si la vilaine avait témoigné quelque intérêt à mes ouvrages, j’aurais pu lui découvrir de beaux yeux, un front intelligent, un sourire charmant…