Un éditeur très particulier
Dans l’épilogue d’un recueil de nouvelles, Anna Gavalda relate un entretien avec un éditeur à qui elle avait envoyé un manuscrit. Il lui donne un rendez-vous pour parler de l’ouvrage, ce qui est très prometteur.
Elle décrit les lieux, évoque les mains fines de l’homme qui, après quelques échanges, lui annonce que le livre est rejeté malgré ses qualités… Sa déception est telle qu’elle reste bloquée sur sa chaise comme paralysée, ce qui embarrasse grandement le démiurge du lieu. Elle suppose que seule la curiosité animait cet homme.
Pas sûr… J’ai vécu un entretien similaire, dans un endroit identique, en présence de mains aussi fines… Deux hypothèses : soit l’homme se délectait de sa toute puissance, jouissant de la déception et de la souffrance infligées, soit il envisageait des plus si affinité. Accusation gratuite me direz-vous, trop convenue, trop banale, trop triviale et… prétentieuse. Certes, mais l’un de ces gourous a poussé l’impudence jusqu’à écrire un livre sur ce thème, une fiction bien entendu !
Pour ma part, je me suis levée, je suis partie, j’ai marché – longtemps. En dépit des années écoulées, je ressens la même rage infinie.
Un autre éditeur, pour un autre manuscrit, m’indiqua que le roman lui avait plu, que le comité de lecture était presque unanime, que c’était une question de jours, de semaines, de mois… De fait, ça dura des mois, des semaines jusqu’au jour où, tout joyeux, il me convoqua pour me dire : « Non » ! Là encore, stupidement stoïque, je m’éloignai dignement – cassée.
Daniel Pennac, ou l’un de ses personnages, a subi une avanie similaire mais sa réaction fut toute autre : il renversa le bureau et dévasta la pièce. À la lecture de cette scène, je jubilais et regrettais vivement de ne pas en avoir fait autant.
Je me propose de contacter Anna Gavalda, de lui rapporter ces deux entrevues afin de déterminer lequel correspond à ce misérable. Si nous avons eu affaire au même récidiviste, j’irai lui planter mon stylo dans le cœur. Si c’en est un autre, il faudra envisager d’exterminer toute cette engeance.
NB – J’épargne Christian Bourgois (sa mémoire). Ayant apprécié « L’Autre Côté » mais n’éditant plus de livres français, il m’avait écrit une lettre, à la main, me disant que ce livre trouverait son éditeur. Par retour du courrier, je lui demandai de me suggérer un nom. Je reçus la réponse suivante : « Tant de livres inutiles paraissent, tant de bons manuscrits restent dans les tiroirs. Après près de 30 ans d’édition, je ne comprends toujours pas comment fonctionne l’édition française. » (Ces lettres sont toujours en ma possession.)
Photo Exposition de David Gabella – Carré d’art
2 Comments
Guillaume avril 01, 2017 - 07:43
Une petite photo (scan ?) de la lettre en question ?
En tout cas une belle vérité, dure comme trop souvent !
arbouge avril 01, 2017 - 14:44 – En réponse à : Guillaume
C’est en effet une idée.
En publiant ce texte, j’ai envisagé de l’envoyer aux Éditions Christian Bourgois qui existent toujours.
Quant aux directeurs littéraires en question, j’évite de donner leurs noms pour le cas où je mettrais mon projet à exécution…