L’ennui

L’ennui abuse de l’enfance : depuis, il me panique.

À l’hôpital, il me harcela. Branchée à divers appareils, le sommeil me fuyait. Je suppliais  l’infirmière de nuit : vite, un livre ou une revue. Elle ne trouva rien dans ce vaste établissement possédant des espaces communs à chaque étage.

Pour m’occuper, j’écoutais le bruit des appareils, j’observais les courbes des écrans.

J’apercevais par la fenêtre, une partie du bâtiment en L. Je distinguais des fragments d’éléments dans les chambres : le pied d’un lit, le montant d’une perche, une lueur bleutée. J’imaginais la souffrance des malades, craignais leur mort.

Bien que concentrée sur l’environnement, l’ennui persistait et m’angoissait. Dans ma tête, je chantonnais, puis me racontais une histoire : hélas mots et musique s’étiolaient. J’exécutais des grimaces : nez froncé, langue tirée, yeux écarquillés. J’associais les trois mimiques. Après quoi, je contractais chaque muscle de mon corps non entravé. L’ennui s’acharnait, m’engloutissait, me niait.

Lassée par mes piètres distractions, mon âme quitta mon corps.