Facebook et les chasseurs cueilleurs

« L’homme est un animal social. » disait Aristote. Déjà contredit par quelques philosophes.

Au cours des siècles les tenants de la sociabilité ou de l’individualité intrinsèques ont ferraillé sévère.

En ce XXIe siècle, des psychologues se chamaillent à propos d’une enquête :

« L’effet de la densité de population sur la satisfaction personnelle est deux fois plus grand chez les individus à QI bas que chez les individus à QI élevé. Les individus plus intelligents ne sont guère plus satisfaits de leur vie lorsqu’ils voient leurs amis fréquemment. …/…La densité a moins d’effet sur eux, car ils réussissent plus facilement à se débarrasser de l’héritage du réseau social des chasseurs-cueilleurs, particulièrement lorsqu’ils ont des buts ambitieux dans la vie. » Satoshi Kanazawa & Norman Li.

Le succès de Facebook découlerait directement des chasseurs-cueilleurs !

Ce n’est pas impossible, d’autant que ce réseau repose sur un magma de données désordonnées bien en accord avec le chaos originel où il est fort difficile de retrouver ses petits mais où les amis se reproduisent comme des champignons. L’un de mes complices, de longue date, qui use d’un langage plus direct parle du « grand foutoir ».

En cette année qui célèbre le centenaire des Dadaïstes eux-mêmes précurseurs des Surréalistes, on pourrait en extraire quelques absurdités foutraques et autres cadavres exquis… Qu’on peut juger moyennement exquis voire nauséabonds.

C’est en tous cas l’impression que j’ai ressentie en ouvrant récemment ma page perso. Il y avait des photos de je ne sais qui, des remarques dont je n’avais que faire, des publicités pas même déguisées… Un ensemble hétéroclite, incohérent, globalement inesthétique, bref un salmigondis peu engageant…

Sans doute ai-je mal géré les différents paramètres à ma disposition. J’ai donc entrepris de faire un peu le ménage mais cet acte de salubrité salutaire s’est révélé complexe, voire impossible.

Si j’en juge par ma réaction devant ce fatras, je peux en déduire que je me suis éloignée des chasseurs cueilleurs à plus d’un jet de pierre. Si j’ajoute à ce rejet spontané, les malaises et déboires que je ressens, trop souvent, lors de diverses  réunions, je peux en conclure que mon QI est exceptionnellement élevé ou… que je suis totalement inadaptée à ce nouveau monde.

Hélas, si je ne puis sans dégâts me confronter ni au monde virtuel ni au monde réel, quel sera mon futur ?

Si, par ailleurs, je considère  mon rapport obsessionnel à l’écriture, je me demande si je ne suis pas atteinte du syndrome d’Asperger ? Encore faudrait-il que je sois particulièrement brillante dans mon créneau…

Pour en revenir aux chasseurs-cueilleurs, j’ai depuis longtemps rayé les chasseurs de mon cercle pour ne retenir que les cueilleurs et encore, pas tous, pas ceux qui ne partagent pas leurs nids à girolles, cèpes, morilles, muguets, jonquilles…  Restent les cueilleurs de lumières, de couleurs, d’étoiles, de vents, de souvenirs, d’instants…

Cueillir un sourire intérieur

Cueillir des mots pour feuilleter

Des poèmes venus d’ailleurs

Du fin fond de l’éternité

Allée au soleil de la mer

Et retrouver l’altérité

Loin des réseaux délétères…

 

« Cela dit en vers de huit pieds

Á seule fin de prendre date

Je lâche mon humanité

Et je m’en vais à quatre pattes » Léo Ferré