Lamentation devant le mur du Chien
Aux songes qui m’interpellent
avec leurs gueules chiffonnées
de grimaces improvisées
soufflant toutes les chandelles
Aux misères et aux chagrins
aux semelles doublées carton
au gris manteau comme édredon
Aux trahisons des jours anciens
À la sorcière au berceau
qui faute de couverts vermeils
me cracha de mauvais conseils
en me donnant le gout du beau
Aux mots qui me firent croire
à la force de leur bon droit
qui si maniés comme il se doit
m’introduiraient dans l’Histoire
Sans piston ni parrainage
sans les codes ni les appuis
on cumule refus et dénis
là s’arrête le voyage !
Le regret tissé de rancœur
me remonte et m’indigne
Je me languis et je prends peur
face à l’implacable guigne
car ma violence intérieure
est mauvaise conseillère
agitant tous ses leurres
me tannant, elle suggère
de séquestrer en otage
un critique bien en place
qui rendrait enfin hommage
aux mots puissants et tenaces
qui échafaudent en toute folie
dans une solitude glauque
une œuvre fort aboutie
ne pouvant demeurer en stock
Je torturerais volontiers
un Grand Lecteur juge et partie
veillant sur son pré carié
cerbère jaloux vieille pythie
Qui d’autre pour faire justice ?
Quelques attachées de presse
qui s’empressent à Saint-Sulpice
verre au bec jouant de la fesse
Être de la face au sphère
chemise blanche et oie idem
être du tout littéraire…
Je leur concocte un requiem
Pour ne pas m’aigrir l’âme
que l’adversité entame
Pour honorer mon maitre
et s’obstiner à être
Pour forcer ma destinée
presser mon potentiel
Pour faire un pied de nez
à la clique des immortels
au temps qui s’accélère
dans des réseaux virtuels
qui veillent, surveillent
tels des dieux tutélaires
Pour mystifier la mort
que le miroir maquille
Pour détourner le sort
qui a pour béquilles
la terreur du hasard
quand fous sanguinaires
sans dé s’en emparent
vomissant la guerre
Pour rejeter l’horreur
apaiser la douleur
mettre l’humain à part
avant qu’il soit trop tard
pour tout ça… des mots
Photo : Sculpture Jacques Rival + Livre La Faille de CB