La vie continue
Ils ne sont plus là et… la vie continue. C’est, finalement, bien étrange.
Gisèle avait une voix grave et profonde. Elle était gourmande, attentionnée… C’était une lectrice assidue, attentive, chaleureuse. Elle m’écrivait des critiques pertinentes et… positives. Elle m’a relaté des moments de sa vie : je l’écoutais attentivement, avec curiosité et intérêt. Pourtant, je ne me souviens que de bribes…
Maryse aimait les fleurs pour leur fragilité et leur force. Elle était vive, en dépit de son accent lent et paisible. Sensible, élégante, menue, pétillante, énergique, ô combien courageuse… Son sourire était contagieux. Elle aimait aussi les livres et me sollicita plusieurs fois pour faire des lectures.
Raymond, ce sont ses tableaux qui sont à l’origine de notre rencontre. Il peignait avec des encres traitées comme des laques. Ses toiles à dominante jaune campaient des silhouettes d’arbres, des maisons inscrites dans des paysages comme des calligraphies. Le jaune de Vermeer ? Celui de Van Gogh ? Non, le sien. J’aurais dû en acquérir une ! Le plus souvent, il les offrait. Son cercueil était noir.
Je pourrais allonger la liste de « mes » disparus : membres de ma famille ou proches amis. Plus la vie avance, plus ils sont nombreux et… la vie continue.
Je pense à eux, il me manque, même ceux que je ne voyais pas : ils existaient. Mais… la vie continue. Enfin, plus ou moins, pas tous les jours, pas tant que ça et le moment viendra où, à mon tour, je partirai et la vie continuera. C’est bizarre, agaçant aussi, un côté pas juste…
Cette fois, c’est le tour de celle qui me mit au monde… Marguerite – « exfoliée ».
Les poètes écrivent sur la mort. L’adieu de Guillaume Apollinaire. À mon enterrement de Léo Ferré : « Je veux du noir partout à me crever les yeux/Et n’avoir plus jamais qu’une idée de voyance/Sous l’œil indifférent du regard le plus creux/Dans la dernière métaphore de l’offense ». Généralement, partager leurs mots m’apaise.
J’ai traité ce thème : « Écrire pour un passant patient/ Pour la chanson de l’eau/ Pour retarder l’instant/ Qui nous fera défaut » Mes vers ne me consolent pas et cette p… de vie qui continue !
Si je prends pour échelle la terre et les siècles des siècles, j’approuve son renouvellement : les feuilles qui tombent pour faire place aux bourgeons… De même, si je considère les musiciens, les peintres, les écrivains qui nous ont laissé leurs notes, leurs couleurs, leurs images…, j’accepte de m’effacer à mon tour.
Mais face à la médiocrité, au cynisme, à l’injustice, à la barbarie, là je m’insurge : la vie ne doit pas continuer comme si de rien n’était, comme si tout était parfaitement en place alors que G. M. R. M. et tant d’autres ne sont plus.
La vie continue ou la mort se poursuit ?
8 Comments
arbouge février 13, 2018 - 14:18
J’aurais aimé connaitre Gisèle et surtout Marguerite, les marguerites ne s’effeuillent que pour s’approcher du soleil. J’ai dans mon cœur Maryse et Raymond. Quelle énergie de ta part ! Que les joies reviennent pour nous, avec eux. Andy
Broustet Fidji février 11, 2018 - 16:48
Toujours touchée par tes mots… enveloppée par ton style. Je viens de lire ton portrait « née dans le lot »… Tu titilles mes émotions… Et quand je passe par là je n’ai qu’un regret c’est de ne pas y venir plus régulièrement…
arbouge janvier 29, 2018 - 18:02
Merci pour tous ces textes beaux, émouvants, littéraires. Claude B.
arbouge janvier 27, 2018 - 07:28
La vie continue bien entendu… une vie « autrement ». Wanda K.
arbouge janvier 26, 2018 - 15:35
J’ai été très ému par ce texte. David D.
arbouge janvier 26, 2018 - 15:34
Tout d’abord merci pour ce texte que je trouve magnifiquement écrit, très profond et émouvant. J’imagine bien ce ressenti de rester lorsque les autres partent. La Vie, une malédiction?
Mais alors, il reste tant à faire à chaque souffle qu’elle nous octroie. Je pense que nos ancêtres n’auraient pas maudit notre longévité actuelle. Nous aurions trouvé leur existence bien rapide, de notre côté! Raphaëlle T.
arbouge janvier 25, 2018 - 10:11
Je vous lis ce soir, très touchée par ces mots du cœur dans lesquels je me reconnais ; nous avons perdu notre grand-mamie cette semaine, ainsi qu’une amie… Nous sommes unies avec toutes les personnes qui ont rejoint leur belle étoile, tous les malades, tous les souffrants ; merci sincèrement à vous. MFM
GONZALEZ janvier 24, 2018 - 07:03
C’est très vrai….. et bien triste. Bises. JB