Y’a pas d’souci
– Comment ça ? Vous me réclamez une somme que j’ai déjà versée et vous me dites : y’a pas d’souci…
– Ben…
– Et le fait que mon ordinateur portable me répète pendant des heures « En attente de windows », ce n’est pas un souci ? Je préfèrerais attendre Godot ! Quant à l’ordinateur fixe, soit il ne s’allume pas, soit il s’éteint. Sans parler de son extrême lenteur et du fait qu’il barbote dans une zone sinon blanche du moins blafarde, là non plus y’a pas de souci ? Et le lecteur de CD qui ne lit pas le disque qui contient le mode d’emploi concernant mon appareil photo, y’a pas d’souci ?
– Euh…
– Et la lettre du syndic incompréhensible ? Et celle de la mutuelle qui me demande un porte-fort. Je téléphone pour savoir de quoi il s’agit : une personne lymphatique et quasi inaudible me répète que je dois envoyer un porte-fort. J’interroge internet : « Le porte-fort n’existe pas, mais on peut faire une attestation sur l’honneur dûment signée. La signature sera authentifiée par une personne assermentée qui ne peut être le maire… » Donc, le porte-fort n’existe pas, mais on peut le remplacer par une attestation sur l’honneur dont il faudra faire certifier la signature. Tout ceci est incohérent, comprenez-vous ?
– Ben, non.
– Ah ! Ça me rassure. Les mots, je les connais, je les lustre tous les jours dans le sens du poil ou de la plume. Je me réjouis lorsque je découvre un mot inconnu, je fouille mes dictionnaires pour l’accueillir : les Larousse, les Robert, les Littré, même les dictionnaires étymologiques ; alors, comment est-il possible que des mots ne fassent pas sens ? C’est un vrai souci, un problème majeur, un drame, une tragédie, comprenez-vous ?
– Je comprends, y’a pas d’souci.
« La relève » – Photo CB