Carte réelle & rêvée

« Réalisez la carte de votre village ou d’un quartier ou une carte imaginaire : points cardinaux, points névralgiques, moyens de locomotion, environnement, activités… »

J’opte pour l’imaginaire privilégiant le sens de la désorientation. Évidemment, mon imaginaire d’écrivain gravite autour des mots et des images mentales qui tels des cerfs-volants planent de métaphores en allégories.

Pour ne pas m’égarer tout à fait, je positionne les points cardinaux. Même si j’ai perdu le Nord depuis longtemps, restent les trois autres. Le Sud et ses mythes : chaleur, faconde. L’Est : promesses d’aubes diaphanes à la fraîcheur d’amande, nimbées de l’inévitable espoir forcené du jour qui se lève, mais l’aube a viré en souffrance à peine attentive. Les aubes ne durent jamais. L’Ouest maquillé d’orange et de violet exalte son ego. Les couchants durent davantage et au moins la nuit est certaine, quant aux rêves…

N comme négatif, néant… ou nougatine, nuage… – S comme solitude, silence… ou solidarité, soins… – E comme épine, épuisement… ou espérer, épanouir… – O comme ostracisme, oukase… ou othentique, odible… Le correcteur se fâche : j’aime assez le contrarier.

Ma carte se couvre de cercles concentriques qui m’étouffent. Je les brise un à un et les attache en formant des zigzags. Je m’accroche à cette spirale qui très vite colimaçonne une forme ramassée s’apparentant à un escalier plat à parcourir vaille que vaille en enjambant chausse-trappe, oublis et souvenirs.

Seul le présent peut concocter des souvenirs en tricotant le passé au maintenant pour confondre le futur. Les volutes du colimaçon s’acoquinent volontiers aux méandres du labyrinthe : un cousin.

Consciente du danger, je sème en hâte des mots comme des cailloux : des repères pour se perdre et se retrouver ailleurs en quête d’une nouvelle boussole et d’un autre chemin.