Processus

J’avais un ami, disons plutôt une relation, qui était journaliste. Témoin de mes efforts obstinés pour faire publier mon premier manuscrit, il déclara : « En tant que journaliste, je n’aurai aucun problème pour publier un roman. » Je vis dans cette affirmation un peu de forfanterie et beaucoup de cynisme. Cependant, il reconnaissait volontiers être arrivé au bon moment pour obtenir une chaire à l’université et un emploi journalistique.

Quelques années plus tard, il publia un roman autobiographique sans grand intérêt de mon point de vue, pourtant ses  articles étaient intéressants. Au fil des ans, je pus constater que nombre de journalistes suivaient ce même processus.

Une jeune autrice me confia qu’elle écrivait des nouvelles pour des revues afin de favoriser la publication d’un éventuel roman. Je crois qu’elle y est parvenue.

Leurs projets me paraissaient laborieux et hypothétiques. Pour ma part, j’écrivais des nouvelles et des romans remarqués par de petits éditeurs qui les publiaient.

Avantages : possibilité d’être associé pour le choix de la couverture, le prix du livre… Connaître le nombre réel d’exemplaires imprimés. Ne pas attendre des mois une publication parfois remaniée sur ordres qui sera pilonnée six mois après sa sortie.

Inconvénients : pas de circuit de diffusion ni de distribution, pas d’envois aux journalistes ni aux libraires, aucune participation possible aux prix littéraires. Autant de faits qui limitent considérablement le nombre de lecteurs.

Mon premier éditeur avait pour slogan : « ni envoi d’office ni pilon. » J’approuvais sans mesurer toutes les conséquences d’une telle attitude.

J’ai rédigé des nouvelles assez caustiques sur la chaîne du livre dont se gargarisent les organismes officiels. À l’origine de cette chaîne : l’auteur qui touchera, au mieux, 10 % du prix du livre pour ses droits, s’il les touche… L’éditeur 20 %, l’imprimeur 20 %, le libraire 40 %. Aussi, pour ne pas encombrer inutilement ses rayons, ce dernier a intérêt à présenter ce qui se vend le mieux. Certains libraires lisent les livres et conseillent les clients, mais la plupart croulent sous les envois d’offices des maisons d’édition, les prix littéraires, les livres de circonstances… Lire à ce sujet ma nouvelle « L’évolution d’un commerce » Aléas p 41.

Reste 10 % pouvant éventuellement servir à la promotion et à la diffusion, mais c’est bien peu pour des domaines où fourmillent les intermédiaires. Certains diffuseurs/distributeurs exigent 30 % et plus. Où les prendre et pour quel « retour sur investissement » comme disent ceux qui s’occupent de la chaîne du livre et non de littérature ?

Collage R. Chartrain