Quoi qu’il en soit…

Des feuilles raturées et froissées jonchaient la poubelle de mon immeuble parisien.  Trois personnages se disputaient les lignes. J’imaginai aussitôt des suites possibles. L’arrivée de nouveaux feuillets  bouscula le tout. Je m’adaptai jusqu’à l’ultime contenu de la poubelle qui me glaça.

Or, me voici de nouveau confrontée au contenu d’une poubelle, verte cette fois et rurale. Elle dégorgeait de livres, parmi lesquels mon dernier ouvrage publié ! Je le recueillis amoureusement : nulle dédicace, marque page en début d’ouvrage, état neuf…

Tandis que je me penchai sur mes malheureux confrères, le ciel, sans doute indigné, précipita une pluie de grêlons. Je bloquai un parapluie entre le couvercle et le rebord afin d’extirper les livres un à un avant de les lancer dans ma voiture en bord de  route. Je sauvai Proust, Daudet, Hemingway, Charlotte Brontë, Pierre Louys et quelques ouvrages aux couvertures anciennes. J’abandonnai les romans policiers aux jaquettes racoleuses, ainsi que Maurras, Montherlant et quelques autres.

Sur ce coin de Causse, les lecteurs étant plus rares que les cèpes et les truffes, j’incriminai avec tristesse une personne, mais quelle motif provoqua cet autodafé… Par ailleurs, l’éclectisme des bouquins me surprenait, il est vrai qu’au fil du temps plusieurs personnes avaient pu garnir la bibliothèque. Mais revenons à la purge. Déplacement ou restauration du meuble ? Nécessité de faire place à de nouvelles œuvres ? Cependant mon  livre, récent, à la couverture en quadrichromie se démarquait des autres passablement défraîchies. Lui avait-il déplu ?

Constitué de textes variés, dans des registres littéraires divers, il ne pouvait susciter tant de haine.

Autre supposition, cette lectrice éclairée avait subi la frénésie destructrice et le rejet accapareur de ses proches. Présentée par ses soins aux membres de sa lignée, leur indifférence méprisante  m’avait choquée, d’autant qu’une telle attitude s’affirmait doublement grossière.

La génétique peut-elle à ce point cafouiller ? À moins qu’il s’agisse d’un acte délibéré… Heureusement, j’ai des soutiens.

Photo Betty