Comme un roman

Sans doute, est-ce parce que l’on dit d’un essai qu’il se lit comme un roman que cette étiquette est accolée à des ouvrages nullement romanesques. Qui en décide : l’auteur ou l’éditeur ? Ainsi ils refilent en douce des nouvelles, des bribes de réflexions, les pages d’un journal… Il arrive qu’un critique s’en mêle : « Un roman déjanté, caustique, relevé, avec parfois des phrases de toute beauté. » Cette appréciation figure sur un livre autobiographique et présenté comme tel. Avait-il  lu l’ouvrage ? S’est-il trompé de fiche ? L’un de ses confrères parlait, plus justement, de récit.

Si le terme roman est vendeur, il est également méprisé. « Tu ne vas pas nous en faire un roman ! » dit-on à quelqu’un qui s’attarde sur une aventure ou une mésaventure. En moins hostile, le sourire aux lèvres et les yeux au ciel : un vrai roman ! Dans les Salons du livre, les visiteurs hommes, moins nombreux que les femmes, n’avouent pas volontiers qu’ils cherchent un roman, car lire un roman n’est pas viril ! (Sondages) On parle de romans de femme… Pourtant Flaubert disait « Madame Bovary, c’est moi » et Georges Sand portait culotte et fumait la pipe. Des critiques avisés déclarent d’une écrivaine brillante : « Elle écrit comme un homme. » Elle en a.

Il m’est arrivé d’envoyer un manuscrit sous un pseudo masculin. Les réponses, lorsqu’on me répondait, commençaient par « Monsieur, c’est avec beaucoup d’intérêt… » Pour le dernier, j’avais choisi comme prénom Alix, certains me répondaient au nom de Madame, d’autres de Monsieur. Les prénoms non genrés ( terme requis : épicène)  sèment la confusion,

Aux lecteurs potentiels qui affirment ne lire que des livres de réflexion, je leur réplique que mes romans réfléchissent : « des romans qui pensent » précisait Kundera. Si un lecteur prend peur après l’énoncé les thèmes traités, je tente de le rassurer : il y a une histoire, une intrigue, un mystère, bref tout ce qui caractérise un roman. S’ils réclament un roman policier, je propose L’autre côté qui contient tous les ingrédients requis : disparitions, enquête, filatures, dissimulation, mensonges, le tout dans une ville labyrinthique, Buenos Aires, au cœur d’un jeu de miroirs, avec en prime une morte, je ne stipule pas la cause du décès. Certains exigent un roman historique, Pas de deux évoquait le Moyen-Âge, les chemins de Saint-Jacques. Il est épuisé ( moi aussi). D’autres encore exigent des histoires vraies. « La déshistoire » relate l’existence d’une vraie jeune femme qui fréquenta le milieu du spectacle. Bizarrement, ils n’en veulent pas : à cause du titre ?

Quel accueil recevra le petit dernier Le désordre des choses : un livre qui dérange…

Roman publié aux Éditions Maïa