À reculons
Vous arrive-t-il d’aller quelque part à reculons ? Puisque l’expression existe… Pour ma part, je crains que ce soit mon mode de locomotion habituel. Alors, pourquoi se déplacer ?
Prenons un exemple au hasard : les Salons du livre. Ils impliquent de se lever dès potron-minet, de charger bouquins et accessoires, de faire la route, de chercher la localité, puis de s’enquérir de la salle et d’en trouver l’accès. Trop tôt, on trouve porte close ou on dérange les organisateurs, trop tard les collègues squattent votre stand ou l’ont grignoté.
Rarement l’emplacement assigné à l’auteur est idéal : trop près de l’entrée ou trop loin, mal positionné, mal éclairé. Cependant, quand le choix incombe à l’écrivain, il hésite et tergiverse, pèse le pour et le contre, le probable et l’improbable. Si les accès sont multiples, si le public ne déambule pas comme prévu, si les concurrents s’interposent, si…, le malheureux se reprochera tout le jour sa décision. De toute façon, la surface trop restreinte ne permettra pas de disposer convenablement les ouvrages et les voisins, pour de subtiles raisons, se révéleront, le plus souvent, peu fréquentables.
Bref, une fois installé, il ne reste qu’à attendre les visiteurs et d’éventuels lecteurs, soit des personnes susceptibles de s’intéresser à vos livres (l’encre de votre chair) et à vos propos. Saurez-vous mettre votre progéniture en valeur ? À tout moment, vous subirez stratégies d’évitement et camouflets de toutes sortes. Ainsi, en dépit des échanges avec ce quidam qui semblait subjugué, il se détournera et achètera un livre plus loin qui peut-être ne vaut pas tripette ou vaut tripette.
Comment occuper le temps ? Le matin agite l’espoir, le café et les discours. L’après-midi s’épanche en minutes lentes, glauques, amères. Enfin viendra le moment de remballer les livres, de refaire la route, d’éviter l’accident, de porter les livres, de les ranger, de boire par dépit ou épuisement et de se coucher recroquevillé de doutes.
Certes, il existe des Salons bien fléchés, bien organisés par des gens sympathiques avec des visiteurs attentifs qui vous écoutent en souriant, vous félicitent de tant de passion. Et même, certains connaissent déjà l’une de vos œuvres et l’apprécient hautement, d’autres adoptent le petit dernier avec émotion. Des propos enrichissants, réconfortants, chaleureux s’échangent ; ventes et empathie vous apaisent. Mais tout ceci est rare.
Soyons juste, il m’arrive aussi d’aller à reculons à une fête, à un spectacle, à un repas, à un rendez-vous… Un mauvais équilibre entre la sérotonine et la dopamine ?
Photo Salon au prieuré de Laramière (46)
2 Comments
arbouge août 12, 2022 - 10:29
Merci MP ? Pour compléter le tableau, si votre moral le supporte, vous pouvez aussi lire « Déjeuner d’auteurs » sur mon blog. Bon, là encore ce n’est pas systématique. Dans un récent Salon, une autrice exposante m’a glissé à l’oreille : « Heureusement que nous avons une vie intérieure intense. » J’ai pouffé de rire. J’envisage de marmonner cette phrase comme un mantra.
Proust août 12, 2022 - 10:21
Il est possible que la dopamine soit impliquée, mais si les lecteurs se pressaient comme dans certains Salons surfaits, les auteurs iraient mieux et la culture non standardisée. Un écrivain