Reconversion du père Noël

Elfes, gnomes, lutins… toute ma bande s’efforça, Noël après Noël, de neutraliser le gros rougeaud démago, consumériste éhonté. Un tricheur-menteur qui atterrit en jet privé, descend de la passerelle en saluant la foule de son opulente bedaine, avant de prendre place dans son traîneau où un cocher s’occupe des rennes tandis qu’il se couvre de fourrures d’hermine et de vison, tout en  agitant la clochette d’argent pour que les journalistes accourent. Les flashs escamotent les étoiles. Le père Noël et ses comparses  picolent les pots de vin.

De  sa cargaison, dépassent jouets en plastique aux couleurs criardes, armes, voitures, poupées pour adapter les enfants à la société et des boîtes de jeux vidéo dégoulinant de dessins hideux dans un cadre racoleur et agressif.

Bref, le syndicat des Elfes, farfadets & Cie constate leur échec. Inutile d’envisager que les restrictions d’énergie, l’inflation, les virus, les guerres permettront de réinventer ces fêtes jadis païennes (le solstice d’hiver) ou historiques (les calendriers césarien, julien et grégorien).

À Noël, nous tolérons quelques dérogations pour les authentiques croyants et des aménagements pour les tout-petits. Par contre, nous refusons de commémorer une nouvelle année qui répétera les précédentes : rien de neuf sous le soleil, sauf qu’il chauffe de plus en plus. Rappelons que le changement d’année fluctue selon les périodes et les pays. Le 1er avril demeure une trace risible de ces errements.

À la dernière assemblée générale, les fées ont brisé leur baguette magique périmée, les feux follets se promènent avec un extincteur, les lutins verts deviennent tout pâlots… Quelle misère ! Des artistes s’étaient joints à nous. Ils apportaient des tableaux, des sculptures, des gravures, des livres qu’ils ne pouvaient exposer (prix prohibitifs de location de salle) ni expédier (tarifs délirants des transports).

En désespoir de cause, nous avons sollicité le père Noël et sa clique en tant que cabinet-conseil. Nous leur avons promis, s’ils déposaient les œuvres dans les souliers des contribuables, la beauté et l’éternité dans un avenir de plus en plus improbable.

Portez-vous bien !