Le paraître

Il contracte ses mâchoires, projette son menton en avant, plisse ses paupières pour illustrer l’idée qu’il se fait du pouvoir et de la virilité. Le résultat frôle la débilité, l’arrogance et la férocité, mais la foule adore, adhère ! Mussolini prenait une pose similaire tête en arrière, menton conquérant, pouces passés dans le ceinturon sur son petit bedon. Il a fini la tête en bas.

Les autocrates plus modernes négligent ces mimiques vieillottes, tout en se redressant, affûtant leur regard pour la postérité. Quand ils discourent, ils semblent bougrement convaincus. Or, entendre à la suite les différents présidents français affirmer, chacun dans son style, que plus personne ne vivra dans la rue est confondant : de toutes ces phrases auraient dû jaillir d’ immenses villes.

Chacun est contraint  par  l’image attendue par les autres ou… eux-mêmes.

Un admirateur de mon œuvre me présenta  à une assemblée en ces termes : « On ne dirait pas, mais elle a écrit des livres super- extra. » J’ai souri modestement. Depuis lors, lorsque je me prépare pour un Salon ou une activité littéraire, je cherche à me conformer à mon rôle.

J’extrais fébrilement de mes placards diverses tenues. Les plus élégantes, c’est très relatif, sont défraîchies et pas forcément de saison. Moins classe, un vêtement de couleur vive  attire l’attention. S je souhaite faire encore un peu jeune ou, disons dans le coup, un jean s’impose. Un chapeau comme Amélie N.  ? Par le passé, les chapeaux et les casquettes à la Poulbot m’allaient bien : ce n’est plus le cas. Bizarre. J’ai envisagé un foulard ce qui contrarie ma laïcité. Un loup, un masque dégageant regard et lèvres  pour s’exprimer et convaincre : je joue ma vie ! Ou version moderne : perruque,  lunettes de soleil…

Ma chambre reflète mon chaos intérieur et l’heure tourne, alors j’enfile la même tenue que la fois précédente bien que sur la photo je la désavoue.

Comment ressembler à une autrice ?

J’épingle un badge sur ma poitrine et travaille un sourire avenant, mais grave et pertinent. Hélas, mes zygomas, mon buccinateur et mon risorius se crispent. Alors, je supplie mes livres d’intervenir.

Sculpture La paix (détail) – Nicolas Alquin – Cathédrale de Lille