Où est-il ?

            Une fois de plus, mon moral a disparu. Mes chaussettes plaident l’innocence, mes poches et mon chapeau itou.

Pour retrouver un objet égaré, il est recommandé de reprendre le même parcours et d’accomplir les mêmes gestes. En réalité, je soupçonnais mon moral de se désagréger depuis un bon moment tout particulièrement à l’écoute des informations mondiales, nationales et locales et  ses fragments  disparaissaient au fur et sans mesure.

Par ailleurs, un gros morceau s’est délité dans l’attente des non-réponses des éditeurs concernant mon nouveau roman qui n’a aucune chance d’être retenu puisque les personnages vilipendent le monde de l’édition ! Les plus intègres approuveront sa thématique, mais ne prendront pas le risque de se mettre à dos leurs confrères. Évidemment, si j’étais très connue, la polémique pourrait tenter certains : c’est vendeur.

Une  parcelle replète a sombré dans les programmes des prochaines manifestations littéraires qui, dans l’espoir insensé de déplacer les foules, se spécialisent : science-fiction ou fantastique ou romance ou polar. Quelques-unes de mes nouvelles s’aventurent dans ces domaines, mais pas d’ouvrages intégraux. D’autres concèdent un mètre par écrivain et quatre ouvrages maxi. Peut-être même faut-il forcément participer à leurs concours. J’avais opté pour la francophonie mais étant Française et même pas consule dans un pays francophone, c’est exclu. Pour finir cette longue supplication devant les portes closes, quelques-uns où je me croyais inscrite sont d’ores et déjà complets (sans moi) !? Ostracisme ou paranoïa ?

Jadis, nous recevions des invitations : « Nous serions heureux de vous accueillir… » Voire « Nous serions honorés de votre présence… » Voilà qui réchauffait la plume et l’âme. Cette pratique se raréfie, même lorsque les sommes à débourser s’avèrent conséquentes. Et naguère, la gratuité s’imposait, car en plus de nos œuvres, nous offrons notre temps et notre personnalité.

Mon dernier éditeur promeut ses récents ouvrages, négligeant les précédents dont mon livre. Or, il publie comme un forcené, le proverbe « qui trop embrasse mal étreint » pourrait s’appliquer aussi dans ce secteur.

Je vais commander des exemplaires avant qu’il ne les pilonne. Autrefois, les auteurs les achetaient prix coûtant et port compris, désormais les éditeurs, adeptes du risque zéro, se paient sur la bête (l’auteur). « Qui ne risque rien n’a rien » : proverbe désormais obsolète. « Qui risque tout n’a pas plus » : toujours actuel. Ce processus effrite encore mon malheureux moral.

Et puis, quand m’assaille le remords de ne pas faire ce que je devrais pour diffuser mes livres, je contribue moi-même à sa dévastation m’entraînant dans la débâcle.

L’isolement, l’indifférence, la solitude, le désespoir, chacun à sa manière, achèvent de dévorer les miettes de moral qui traînent entre les mots.

Quand on n’a pas le moral, on dépérit, on périclite et parfois on périt bel et bien, corps et âme. C’est logique, normal, pas de quoi en faire un article !