Flottement

Je tends la main pour allumer la lampe de chevet, mais ne trouve pas l’interrupteur à la droite du lit, je me tourne vers la gauche sans plus de succès. Le cœur battant, je m’assois. Une étrange lueur s’infiltre par la fenêtre.

Je me lève et me dirige à tâtons vers elle. J’écarte un lourd tissu, puis des voilages vaporeux et découvre un paysage aride plombé de  nuées échevelées. J’examine la pièce inconnue dans laquelle j’ai dormi. Du regard, je cherche mes habits : je ne les vois pas. Je flotte dans un survêtement vert foncé. Je gagne la porte, actionne la poignée : bloquée ! La panique me coupe la respiration. Ai-je été enlevée ? Est-ce un rêve ? Ai-je perdu la mémoire ?

Je crois savoir, plus ou moins, qui je suis. En quête de chaussures, je me penche sous le lit : rien. Je débarre la fenêtre. La chambre se situe au troisième étage d’une maison austère entourée de roches coupantes et de buissons d’épineux. J’envisage d’appeler, mais que crier ? Au secours ? Il y a quelqu’un ?

De plus en plus fébrile, je murmure d’une voix plaintive :

– Ouvrez-moi !

Je retourne à la porte, la secoue, frappe. Finalement, je reviens à la croisée pour examiner les possibilités de fuir par cette issue. Une corniche étroite entoure la façade, sans doute utilisable, mais des volets occultent toutes les fenêtres. Le fait d’être pieds nus accentue ma vulnérabilité.

Pour me calmer, je m’allonge sur le lit, ferme les yeux et respire profondément. Je réfléchis et me parle d’une voix raisonnable, apaisante.

– Si c’est un rêve, je finirai par reprendre pied dans la réalité, ma réalité. Si ce n’est pas un rêve,  autant m’endormir pour tenter de me réveiller ailleurs.