Mon unique salut réside dans l’écriture. Lorsque j’écris, j’estime que la journée n’est pas vaine, l’angoisse desserre sa prise : je me suis fidèle.

Hélas ! Quand le mot « fin » referme un manuscrit, que mon blogue regorge de textes en attente et que nulle parcelle de phrase ne m’interpelle : je sombre.

Par chance, « la grâce »  -thème du printemps des poètes 2024– me tend une main gracile en dépit de sa sonorité et de son homophone,  grâce à son circonflexe qui  accorde l’élégance d’où surgissent les 3 Grâces.

Elles illustrent  la splendeur, la joie, l’abondance, le charme, la beauté, la créativité, la séduction, la fécondité… Peut-on choisir ? Tableaux et sculptures les honorent. Souvent, les trois Grâces se ressemblent : reflets troublants. Nues ou enveloppées de voiles ensorceleurs ou enroulées dans leur chevelure ou parées de colliers ou chapeautées, nous défiant en toute innocence. « La très chère était nue et connaissant mon cœur elle n’avait gardé que ses bijoux sonores » Au corps languide et généreux chéri par Baudelaire,  je préfère les petits seins plantés haut de Granach (1531) ou de Baldung (1541). Parfois, une jambe trop musclée pour un torse si frêle suggère qu’un jeune garçon – giton ou hermaphrodite - servit de modèle.

Mais je m’égare puisqu’il s’agit de la grâce au singulier : plus exigeante, plus abstraite, celle de la sphère musicale, de l’évanescence, de  la spiritualité. L’ai-je croisée, perçue,  ressentie ? Assurément, dans le chant d’un adolescent, dans un jeu de lumières, en éprouvant une légèreté rare, en captant un sourire retenu…Instants fugitifs ou état mystique ? Les actions de grâce – bienfait, don, bénédiction, faveur – introduisent révérences et yeux révulsés bien éloignés des petits seins.

Que désirent les poètes du printemps ?

N’importe, grâce à eux,  le renouveau ressurgit ; j’emprunte chemins de traverse  et songes d’oublis où dansent les fêtes galantes de Watteau, où chantent les poèmes éponymes de Verlaine qui diffusent leurs parfums satinés :

Et leur chanson se mêle au clair de lune,
Au calme clair de lune triste et beau,